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faire une chose aussi utile qu’agréable, c’était de recueillir des matériaux et des anecdotes : elle a voulu faire des Considérations, comme un homme d’État, et elle ne nous a rien appris du tout. Quand les hommes, étourdis par les événements, passaient à l’ennemi, comme de Maistre et Châteaubriand, ou battaient en retraite, comme Laharpe et Royer-Collard, que pouvait avoir à dire la fille de Suzanne Curchod ?

Je pourrais m’en tenir à ce témoignage : j’ai voulu pourtant, dans ces dernières années, et pour l’acquit de ma conscience, me faire une idée plus exacte de la dame ; et comme c’est dans leurs œuvres intimes qu’il faut juger les femmes, j’ai lu Corinne, le chef-d’œuvre de Mme  de Staël.

Corinne, bien entendu, est Mme  de Staël elle-même, poëte, peintre, improvisatrice, cantatrice, danseuse, joueuse de harpe, comédienne et tragédienne, par-dessus tout précepteur et pédante, l’ancienne profession de la mère de Mme  de Staël, Suzanne Curchod.

La thèse, en forme de roman, développée par Mme  de Staël, peut se réduire à cette question : Si un génie comme celui de Corinne (Mme  de Staël) peut se contenter de l’existence vulgaire qu’offre le ménage aux épouses et aux mères, et si par conséquent la société n’est pas injuste envers la femme ?

À quoi je réponds, le roman de Corinne à la main, que ce prétendu génie n’existe pas ; que les pièces fournies à l’appui démontrent précisément son absence ; que même les talents d’acquisition exhibés par l’auteur font tort à son esprit naturel autant qu’à sa dignité de femme ; en sorte que, si l’on devait conclure de l’exemple de Corinne à l’universalité du sexe, il vaudrait mieux pour celui-ci rester dans l’ignorance que de compromettre, par un semblant de génie, avec le bon sens et la grâce qui le distinguent, le bonheur de sa vie et le repos de la nôtre.

Le roman de Corinne se compose de deux parties, que l’auteur mêle et alterne dans sa narration.

La première partie consiste en une espèce de Guide ou Vade mecum du voyageur en Italie, comme en fourniraient sur commande tous les faiseurs d’almanachs, avec des morceaux dithy-