Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/391

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’amener le mot, d’enfoncer le trait, est connu ; la tactique du langage n’a plus de secrets. Pour faciliter le travail, on a des répertoires de rimes, de synonymes, d’épithètes, de périphrases, d’exemples choisis, qu’il suffit de parcourir, pour en voir jaillir sans cesse de nouveaux aperçus, des rapprochements ingénieux, des traits d’esprit, des coqs-à-l’âne, enfin des idées telles quelles. Le dépouillement des littératures étrangères apporte un dernier contingent, avec lequel on donnera une couleur encore plus foncée à cette originalité de mauvais aloi. Allez maintenant, jeune homme ; prenez et mélangez, comme font les apothicaires, Sume et misce. Vous êtes écrivain, vous pouvez, pendant une génération, devenir grand homme.

On conçoit combien cette méthode est favorable à l’amplification et au lyrisme. L’ode elle-même n’est qu’une description par énumération de parties, une litanie. Ouvrez le Gradus ad Parnassum, au mot Jupiter, par exemple : vous avez une ode toute faite, dans le genre orphique. J’ose dire qu’une partie de la littérature contemporaine, poésie et prose, n’a pas d’autre raison d’être, que c’est là ce qui fait son mérite, et ce qui depuis le commencement du siècle a déterminé sa décadence.

Pour faire comprendre la cause des rétrogradations humaines, j’ai cité, dans une autre étude, quelques extraits de mes lectures d’histoire ; qu’on me permette, dans le même but, de donner un croquis de mes observations sur quelques-uns de nos gens de lettres.

XX

J.-J. Rousseau.

Le moment d’arrêt de la littérature française commence à Rousseau. Il est le premier de ces femmelins de l’intelligence, en qui l’idée se troublant, la passion ou affectivité l’emporte