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n’est-il pas de lui épargner la peine de se déclarer, tant elle a conscience de sa lasciveté ?

Ceci toutefois ne veut pas dire que la femme soit plus ardente que l’homme à l’amour : le contraire me semble plutôt vrai. Elle n’éprouve pas cet emportement causé, si j’ose ainsi dire, par la morsure de l’animalcule spermatique, et qui rend l’homme furieux, comme le lion tourmenté par le moucheron. Mais l’obsession amoureuse chez la femme est constante, l’idée toujours présente, l’idéal beaucoup moins sujet à se briser par l’effet de la possession, hors de laquelle tout lui est indifférent et insipide ; elle ne peut parler ni penser d’autre chose, assotée qu’elle est par sa rêverie, et bientôt, si le travail et l’éducation n’y mettent ordre, dépravée. Qui a vu des ateliers de femmes et entendu la conversation des ouvrières peut en rendre témoignage. À vrai dire, et malgré tous les petits talents que nous aimons à lui reconnaître, la femme n’a pas d’autre inclination, pas d’autre aptitude que l’amour.

Tous les voyageurs l’ont observé chez les sauvages ; ceux qui allèrent en Orient chercher la femme libre n’ont pas osé dire ce qu’ils avaient découvert : c’est qu’aux œuvres de l’amour l’initiative appartient réellement à la femme. Les exemples n’en sont pas rares non plus chez les civilisés : aux champs, à la ville, partout où se mêlent dans leurs jeux petits garçons et petites filles, c’est presque toujours la lubricité de celles-ci qui provoque la froideur de ceux-là. Parmi les hommes, quels sont les plus lascifs ? Ceux dont le tempérament se rapproche le plus de la femme.

Pourquoi, indépendamment des causes économiques et politiques qui s’y ajoutent, la prostitution est-elle incomparablement plus grande chez les femmes que chez les hommes ; pourquoi, dans la vie générale des nations, la po-