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De là encore cet instinct de subordination qui se traduit si facilement chez la femme en aristocratie, puisque l’aristocratie n’est autre chose que la subordination, considérée par le sujet qui du bas de l’échelle est monté au sommet.

Par sa nature la femme est dans un état de démoralisation constante, toujours en deçà ou au delà de la Justice ; l’inégalité est le propre de son âme ; chez elle, nulle tendance à cet équilibre de droits et de devoirs qui fait le tourment de l’homme, et hors duquel il se tient vis-à-vis de son semblable dans une lutte acharnée. La domesticité est aussi beaucoup moins antipathique à la femme qu’à l’homme ; à moins qu’elle ne soit corrompue ou émancipée, loin de la fuir elle la recherche ; et remarquez encore qu’à l’encontre de l’homme elle n’en est point avilie.

Parlez d’amour à la femme, de sympathie, de charité, elle vous comprend ; de Justice, elle n’en reçoit mot. Elle se fera sœur de Charité, dame de bienfaisance, garde-malade, domestique et tout ce qu’il vous plaira ; elle ne songe pas à l’égalité, on dirait qu’elle y répugne. Ce qu’elle rêve est d’être, ne fût-ce qu’un jour, une heure, dame, princesse, reine ou fée. La Justice, qui nivelle les rangs et ne fait aucune acception de personnes, lui est insupportable. Comme son esprit est anti-métaphysique, sa conscience est anti-juridique : elle le montre dans toutes les circonstances de sa vie.

Ce que la femme aime par-dessus tout et adore, ce sont les distinctions, les préférences, les priviléges.

Voici un atelier de femmes : que le maître ou le contremaître distingue une d’entre elles, elle ne reconnaîtra son amour qu’à sa faveur, sans songer le moins du monde que faveur c’est injustice.

Allez à un spectacle, à une cérémonie publique : qu’est-ce qui flatte le plus la femme ? Le spectacle en lui-même ? Non ; une place réservée.