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Nouveau Testament, les Pères, les mystiques, les sermonaires, ne parlent que des noces du Christ avec son Église, du mariage de l’âme avec son Créateur, de l’union des vierges avec Jésus, leur divin époux. De même que le paganisme, on peut dire que le christianisme se résout tout entier dans une idée, l’amour.

On comprend que dans ce système le mariage soit regardé comme une espèce d’infidélité, dont l’auteur de tout bien, de toute beauté et de tout amour, Dieu, est jaloux, et qu’il ne permet que par un excès de miséricorde.

Celui qui est sans femme, dit l’Apôtre, ne songe qu’à plaire à Dieu, tandis que l’homme marié doit contenter encore son épouse. Pareillement la vierge qui se garde pure de cœur et de corps, ne songe à plaire qu’au Seigneur ; au lieu que la femme mariée doit s’occuper encore du monde et plaire à son mari.

De fait et de droit le mariage chrétien, accordé par tolérance, réservant à Dieu, à l’Église, au prêtre, les préférences intimes du cœur, est un concubinage, pis que cela, un adultère.

Suivons, dans ses conséquences logiques et pratiques, cette nouvelle théorie de l’amour.

XLI

La contradiction apparaît d’abord dans le langage des mystiques. Il leur est impossible de parler de l’amour divin sans employer continuellement les images de l’amour charnel :

« On peut dire, avec Denys le Chartreux, que le divin Époux, voyant l’âme tout éprise de son amour, se communique à elle, se présente à elle, l’embrasse, l’attire au dedans de lui-même, la baise, la serre étroitement avec une complaisance merveilleuse…

« On peut dire, avec saint Bernard, que cet embrassement, ce baiser, cette touche, cette union, n’est point dans l’imagination ni dans les sens, mais dans la partie la plus spirituelle