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pagné pour les époux de certaines obligations et prérogatives réciproques, exprimées où sous-entendues, et garanties par la société, lesquelles obligations et prérogatives font du concubinat une société civile de biens et de gains, chose que par lui-même le concubinat ne comporte pas nécessairement.

Le contrat religieux consiste dans la bénédiction donnée par le prêtre à deux personnes conjointes, soit seulement de par la nature, soit en outre devant la société : l’Église ne se préoccupe pas plus de l’un que de l’autre.


L’Église, elle le proclame elle-même, ne connaît pas et se soucie encore moins du contrat civil. Elle prétend pouvoir marier nonobstant ce contrat ; rendre époux, par la vertu de sa bénédiction, des concubinaires qui repoussent le mariage civil et l’intervention de la société. Le mariage romain, par coemptio ou usucapio, valait du moins, par sa publicité, pour le for extérieur ; mais le mariage conféré par l’Église, en dehors de la garantie sociale et sans autre motif que de donner absolution du péché, ne vaut en réalité ni pour le dedans ni pour le dehors : c’est la négation même du mariage ?

En deux mots : selon l’esprit de l’Église, le mariage, quel qu’il soit, n’est point chose sacrée ; c’est un acte essentiellement entaché d’impureté, que la bénédiction du prêtre a pour objet de laver, comme une sorte de baptême donné à l’amour.

Jusqu’au concile de Trente, l’Église fut dans l’habitude de donner à tous ceux qui la lui demandaient la bénédiction nuptiale, sans témoins, sans annonce préalable, sans nul souci des familles et des tiers, et c’est encore ainsi qu’elle en use dans les pays de franc catholicisme. Un de mes amis, établi à Valparaiso, se marie. Il fait venir sa fiancée de Paris et l’épouse au débarqué, dans une sacristie, sans publication ni témoins. Le sacrement, en effet, étant un don de Dieu, ne requiert pas l’assistance des hommes. Les unitaires d’Amérique en usent de même, fi-