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abrogée par la foi primitive, se reforma peu à peu dans la conscience des peuples ; le clergé, voué au célibat, à qui l’amour était d’autant plus suspect que sa continence mal entendue lui était plus pénible, continua de regarder le mariage comme un état de pollution habituelle ; et tandis que le calendrier regorge de prétendues vierges, canonisées, comme une Thérèse d’Avila et une Marie Alacoque, pour avoir, pendant une vie de langueur, enduré les soufflets d’Asmodée, c’est à peine si l’on y rencontre une mère de famille.

Au seizième siècle paraît la Réforme. Vous croyez qu’elle va réhabiliter le mariage ! Dieu l’en préserve ! Sur ce point comme sur tous les autres, elle accuse l’Église romaine de superstition, et, revenant à la foi primitive, elle commence par ôter au mariage le titre, que Rome avait fini par lui accorder, de sacrement.

Eh bien ! direz-vous, allez-vous faire un crime aux orthodoxes du sacrilége des protestants ?

Telle n’est pas ma pensée. La réforme accusait l’Église d’avoir, en ce qui touche le mariage, varié dans la foi, ajouté à la tradition apostolique et à l’Évangile : je prétends que l’Église n’a point varié du tout, si ce n’est peut-être dans les mots. Après comme avant le concile de Trente, l’Église de Rome, d’accord avec les chrétiens primitifs comme avec les réformés, nie le mariage, qu’elle confond toujours avec le concubinat.

La société conjugale, disent nos modernes théologiens, peut exister sous trois formes, donner lieu à trois sortes de contrats : le contrat naturel, le contrat civil, le contrat religieux.

Le contrat naturel est l’union spontanément formée par un homme et une femme, antérieurement à l’existence de l’ordre civil, ou en dehors de cet ordre. C’est à proprement parler le concubinat.

Le contrat civil est le même que le précédent, mais accom-