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proverbe ; Marie, sœur de Moïse, qui conspire contre lui ; la femme de Job, qui l’insulte sur son fumier. Que dire d’Abigaïl, de Michol, de Bethsabée, de la reine de Saba, d’une Jahel, d’une Rahab, d’une Dalila, d’une Esther, d’une Judith ?

À l’imitation des Pères, les casuistes ont traité la matière conjugale en vrais Turcs ; ils ont si bien fait que leurs noms sont demeurés infâmes parmi les honnêtes gens. Les honnêtes gens ont tort : accuse-t-on le médecin qui se voue à la guérison des maladies honteuses, alors même que ses remèdes ont pour effet de les aggraver ? Après tout, les dissertations d’un Sanchez et d’un saint Liguori ne font honte qu’à leur religion et à leur siècle ; le traité De Matrimonio est contemporain de l’Aloysia. De pareils livres sont autant de témoignages que, du fait de l’Église et jusqu’au seizième siècle, l’honnêteté n’exista nulle part dans le mariage des chrétiens.

XXXVI

Il est vrai pourtant que l’Église, après une longue et inutile attente, ayant pris le parti d’abandonner l’opinion millénaire, force lui fut de modifier sa théorie du mariage. Le monde ne finissant pas, là où Paul n’avait vu qu’un sédatif aux titillations de la chair, elle finit par découvrir la loi de conservation du genre humain, et, ce qui lui importait davantage, l’instrument de sa propre propagation. Elle condamna donc les hérétiques, qui, sur la foi des premières traditions, comptant toujours sur la venue du Fils de l’homme, et jugeant inutile de faire des enfants, réprouvaient à la fois la génération et le mariage, et elle rétablit l’union conjugale dans son antique et païenne dignité de sacrement.

Mais cette restauration n’eut lieu, au moins de la part des prêtres, que pour la forme. La religion du mariage,