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dans le même esprit qu’il s’occupe du mariage. Bien petits d’intelligence, pense-t-il, sont ceux qui s’embarrassent de ce détail, comme s’il s’agissait de statuer pour des siècles ! « Le Christ arrive, s’écrie-t-il ; jeûnez, priez, mortifiez-vous ; méritez, par votre pénitence, de participer au nouveau règne. »

Paul est par excellence le docteur de la chute, de la grâce, de la supériorité de la foi sur la Justice et de l’idée millénaire. Sur tous ces points, il se sépare de ses collègues, qui le trouvaient difficile à entendre, faisaient de leur mieux, par leurs concessions, pour conserver l’unité avec le très-cher frère Paul, et, ne mettant pas leurs prévisions palingénésiques à si courte échéance, conciliaient de leur mieux les exigences de leurs ménages avec les devoirs de leur apostolat.

On s’est partagé sur le point de savoir si Paul avait été marié : d’après les passages que je rapporterai de ses lettres, et surtout d’après sa manière de penser sur les femmes, la question ne me semble pas douteuse ; il était, il fut toute sa vie célibataire. Dans l’absorption de son zèle, il ne souffre auprès de lui ni sœur ni concubine ; à plus forte raison ne tolérerait-il pas une épouse. Comment se chargerait-il de ce joug, lui qui oublie même de prendre de la nourriture ?

« N’ai-je pas, s’écrie-t-il, le droit de rompre le jeûne, de boire et de manger, comme les autres apôtres ? N’ai-je pas le droit de traîner partout avec moi une femme, sœur, comme font les frères de Jésus, et Pierre ? Pourquoi donc n’en usé-je pas ? C’est que je suis tout entier à la prédication. Et je n’y ai pas de mérite ; car je suis un homme de prédication, moi. C’est pour moi une seconde nature, une nécessité : Necessitas mihi incumbit. Je suis malade, ni je ne prêche : Væ enim mihi est, si non evangelizavero ! »

Il se vante, l’orgueilleux apôtre. Dans une autre lettre,