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concubinat. Comment les apôtres du Christ, maîtres de morale, ne crurent-ils pas devoir compléter d’emblée la pensée d’Auguste ? Pourquoi, dès le début, au lieu de se tenir dans ce milieu concubinaire, qui n’avait pour lui ni la dignité patricienne ni la franchise de l’amour libre, n’affirmèrent-ils pas exclusivement le mariage ? D’où leur vint cette modération ? Les justes noces étaient-elles réservées pour ce jour terrible, qui faisait le fonds de l’espérance messianique, où, sur les ruines de Rome et de l’univers, devaient se célébrer les noces de l’Agneau ?

C’est un fait que les modernes historiens de l’Église dissimulent tant qu’ils peuvent, mais qui ressort avec évidence d’une lecture attentive des originaux, que jusqu’à une époque avancée le concubinage fut non seulement autorisé, mais d’usage vulgaire dans l’Église. De Potter, Histoire philosophique, politique et critique du Christianisme, cite saint Augustin, disant : « Que les concubines ne sont pas des épouses, non parce que la bénédiction nuptiale leur manque, mais parce qu’il n’y a point d’acte civil constitutif de la dot. » Le même auteur rapporte le concile de Tolède, qui autorise le concubinage, comme supplément du mariage. On cite encore, en faveur de cette opinion, le recueil de Gratien, célèbre canoniste du 12e siècle. De bonne heure, cependant, le concubinat paraît avoir été interdit aux évêques, dont les femmes devaient être épouses légitimes. Le mariage pour les hauts dignitaires, le concubinat pour le commun des fidèles : c’est justement ainsi qu’avait débuté la vieille Rome, avec sa distinction du mariage par confarréation, coemption et usucapion. On sait quelles résistances éprouva le saint Siége, lors de l’institution du célibat ecclésiastique. Le peuple faisait cause commune avec les prêtres : le concubinat étant le mariage populaire, l’interdiction brutale dont on le frappait dans