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dans cet engrenage, savez-vous ce que vous aurez obtenu et le chemin que vous aurez fait ?

Vous n’aurez pas allongé d’une minute la durée normale de votre existence : c’est prouvé ;

Vous n’aurez pas ajouté un millimètre à votre taille, ni un kilogrammètre à la force de vos muscles : c’est encore prouvé ;

Même en augmentant la somme de vos connaissances, vous n’aurez pas accru la puissance de votre esprit : c’est également prouvé ;

Toute votre industrie, enfin, ne vous aura pas conquis, par chaque journée de travail, une minute de plus de repos, au contraire : tout cela est parfaitement prouvé.

Mais, en irritant par un travail sans relâche votre besoin de richesse ; en développant outre mesure, par la surexcitation de votre cerveau, votre sensibilité ; en rendant, par un accroissement inévitable de population et par la complication de tant de rouages économiques, votre existence de plus en plus précaire, vous aurez augmenté dans une proportion incalculable les risques de votre liberté et de votre vie.

Alors viendront l’inquiétude, la désespérance, l’envie, la haine sourde ; alors les discordes intestines, la guerre des classes, l’assaut des propriétés, les révolutions politiques, suivies des massacres et des évacuations en masse, sans parler des fléaux que la nature, toujours d’accord avec l’homme quand il s’agit de détruire, ne manquera pas de vous prodiguer.

Après quoi vous recommencerez : ce sera votre progrès !…

VIII

Reste la morale. Ici l’incertitude redouble.

Comme science, la morale a été de plus en plus né-