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là irriter contre eux leur dieu Jéhovah. Il paraît même que les Nicolaïtes trouvaient à cette latitude un sens mystique, altitudines, mysteria. Ce fut la grande tentation du premier siècle.

La fornication qui distinguait les disciples de Nicolaüs des autres sectes messianiques était en vérité trop minime pour motiver une déclaration d’hérésie de la part des puritains : aussi l’Apocalypse n’a-t-il pas l’air d’en faire une question de dissidence, habeo adversùm te pauca, bien que, dans son zèle biblique, il menace de mort les prévaricateurs. Ce ne fut que postérieurement que l’interdiction qui frappait les femmes publiques fut étendue à cette promiscuité fraternitaire, devenue en peu de temps pire que la débauche païenne. Pierre, et les autres que l’Église romaine a rangés parmi les vrais apôtres ; Pierre, qui avait frappé de mort Ananias et Saphira pour une infraction légère au droit communiste, fut le premier, si les deux épîtres qu’on lui attribue sont authentiques, à battre en retraite sur la question de l’amour libre : il décida que chacun aurait sa chacune, et donna lui-même l’exemple du concubinat. Mais les partisans de la communauté tinrent bon : l’épître de Jude, quinzième évêque de Jérusalem, publiée entre 117 et 138, et que l’Ëglise a placée dans le canon comme étant de l’apôtre, les dénonce avec fureur ; elle les appelle corrupteurs de la chair, contempteurs de la hiérarchie, blasphémateurs du pouvoir, et les menace du supplice de Sodome et Gomorrhe. Pauvres raisons, vraiment, pour des gens qui faisaient de la communauté des amours une loi de charité, et qui se regardaient tous comme égaux ? Aussi la partie la plus fervente de la chrétienté persista dans la pratique des libres amours jusqu’à ce que l’empereur, embrassant la foi du Christ, vînt nettoyer son bercail ; on voit dans les lettres de Cyprien, évêque de