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qu’il leur donne ! Pour Briséis, il pleure, il jure de ne plus combattre et de retourner en Thessalie ; pour Patrocle, il viole son serment, tue Hector, massacre ses captifs et décide la prise de Troie.

Tous les poëtes grecs qui ont chanté l’amour sous sa double hypostase ont suivi l’exemple d’Homère. Je veux que le Bathylle d’Anacréon soit suspect : l’indiscrétion du poëte, dans le portrait qu’il a tracé de son ami, a laissé tomber sur la pureté de l’original une ombre obscène ; mais combien le sentiment que Bathylle lui inspire l’emporte sur toutes ses fantaisies de maîtresses ! Quoi de plus ravissant que cette chanson de la colombe messagère ! Et quelle rêverie dans ces deux couplets, que les traducteurs séparent comme si c’étaient deux odes :

« Rafraîchissez, ô femmes, de vin doux ma gorge desséchée ; rafraîchissez de roses nouvelles ma tête brûlante. Mais qui rafraîchira mon cœur, incendié par les amours ?

« Je m’assoirai à l’ombre de Bathylle, le jeune arbre à la verdoyante chevelure ; auprès de lui coule et murmure la fontaine de persuasion. C’est là, voyageur épuisé, que je prendrai une nouvelle force… »

Faut-il, pour donner un sens à ces vers si limpides et si tendres, que je m’ingénie à y trouver d’horribles métaphores ? La comparaison de Bathylle à un arbre jeune et verdoyant est familière aux Orientaux : ces vers d’Anacréon semblent traduits mot pour mot du psaume Ier, v. 3-4 : « Il en sera de l’homme vertueux, dit le Psalmiste, comme d’un arbre planté au bord d’une eau courante, et qui donne son fruit dans sa saison : son feuillage ne séchera pas, et toutes ses œuvres seront prospères.

Tout ce qui nous reste de Sapho se réduit à peu près à deux odes. Dans la première, À Vénus, Sapho prie la déesse de combattre avec elle et de ramener à ses pieds son volage amant. Peut-être cette ode nous paraîtrait le