Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/247

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Rien n’est impitoyable comme la logique. Le voile nuptial, flammeum, déchiré ; l’amour céleste, promis aux époux, changé ipso facto en caresse lascive ; la fidélité maritale jetée aux vents, la pudeur féminine tombée en bégueulerie, le mariage dut être et il fut pris pour ce qu’il était, un marché de dupes.

XIX

Que de raisons aux deux sexes de s’en abstenir !

La vieille Rome avait présenté ce miracle de cinq cent vingt années passées sans un divorce : nous pouvons hardiment en conclure que les adultères, soigneusement dissimulés, furent rares. Quel merveilleux amour, quel respect, quelle charité, quelle force de continence ce seul fait, raconté par tous les historiens comme étant de notoriété publique, officielle, suppose chez les Quirites et leurs matrones !… Une telle race était faite pour conquérir le monde.

Mais voici qu’avec la religion nuptiale la pudicité s’est envolée ; et les mêmes hommes, les mêmes femmes, qui ont étonné le monde par leur chasteté, l’étonneront par leur luxure.

À une époque de dissolution générale, dans un milieu enfiévré par le luxe et les jouissances, dénué de vie publique, sans communion sociale, tout créait aux époux des antipathies sans fin, tout leur devenait motif de divorce, tout militait par conséquent contre le mariage.

L’avarice, d’abord, côté faible de l’âme romaine : les frais de maison sont trop lourds ; l’entretien des enfants et leur éducation sont autant de retranché pour le bien-être personnel. Au-dessus de la maxime Chacun chez soi, chacun pour soi, dont le triomphe a amené la désertion du forum et assuré la fortune de César, règne, sévit, le féroce Primo mihi. Tout pour moi ! Devant cet indomp-