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l’amour, le plus puissant des mouvements de l’âme après la Justice, engendré par la combinaison de deux fatalités, l’une organique, l’autre intellectuelle.

Dans cet état, l’amour est lui-même le plus tyrannique des fatalismes, remarquable surtout par son évolution tour à tour croissante et décroissante, irrésistible quand il vient, impossible à retenir quand il s’en va.

Là cependant ne finit pas pour l’humanité le rapport engagé entre les deux sexes par la génération et l’amour.

L’homme sent sa dignité en autrui : de là, en général, sa Justice.

D’un sexe à l’autre, cette dignité se sent d’une façon particulière, qui ajoute à l’amour un caractère auparavant inconnu de sérénité et de tendresse, éteint la passion, et crée un attachement que tous ceux qui l’ont éprouvé jugent unanimement de nature à pouvoir durer, malgré la dégradation extérieure de l’objet aimé, autant que la vie.

Ainsi l’homme aime tout à la fois par ses sens, par son esprit et par sa conscience : il ne peut pas ne pas aimer ainsi, parce qu’il est homme.

Selon la puissance d’idéalisation et de Justice de l’amant, et la qualité de l’objet aimé, l’union de l’homme et de la femme inclinera plus ou moins vers l’un ou l’autre de ces termes : les sens, l’idéal, la conscience. De là trois degrés principaux de manifestation de l’amour : la fornication, le concubinat, le mariage.

Il se peut que par l’effet d’une méprise ou de circonstances indépendantes de la volonté des personnes, il y ait erreur de fait dans les situations légales ; que tels mariés soient d’abominables fornicateurs, tels concubinaires de vrais époux, sinon pour le for extérieur au moins pour la conscience. Ces contradictions, qui ne portent que sur les apparences, confirment la règle, c’est qu’un sentiment