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que les cérémonies nuptiales sont accomplies sur la montagne par les nymphes ; que Mercure, envoyé auprès d’Énée pour lui faire rompre cet engagement, déjà le traite de Vir uxorius, mari benêt ; qu’Énée lui-même, avant ce message, n’eût pas demandé mieux que de se fixer auprès de Didon et de joindre la fortune de Troie à celle de Carthage. Didon, d’ailleurs, l’avait ainsi espéré ; elle avait vu et dû voir dans cette consommation si prompte un gage de la solennité à venir ; elle le dit formellement :

. . . . . Nec te data dextera quondam…
Per connubia nostra, per incœptos hymenasos…
Hoc solum nomen (hospitis) quoniam de conjage restat.

À tout cela que répond Énée ? Il objecte l’ordre des dieux, les destinées de sa nation à qui l’Italie est promise ; il nie qu’il ait jamais parlé à Didon de mariage, et qu’il soit venu avec l’intention de fondre les deux nations :

. . . . . . . . . .Nec conjugis unquam
Prætendi tœdas, aut haoc in fœdera veni.

Et cette dénégation, qui dans nos mœurs serait un acte de déloyauté et pour une femme le dernier des outrages, n’a rien de contraire à la pudeur et à la probité antique. De la part d’Énée, il n’y a pas plus d’offense que de mauvaise foi et d’ingratitude.

Où donc est la faute ? demandera-t-on, car sur ce point Virgile est formel :

Conjugium vocat, hoc prætexit nomine culpam.

La faute est toute à Didon ; elle consiste en ce que, veuve de prince et reine, ayant tant de titres à l’union légitime, il ne lui était pas permis de former une union secrète, à la façon d’une Bérénice ou d’une madame de Maintenon, et de préluder au mariage par les jouissances de l’hétaïra. Ses plaintes, exprimées avec la violence