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si toutefois il n’est condamné par le juge. L’amende, l’exil, la mort même, seront les peines de la débauche. » (Franz de Champagny, les Césars, t. II, p. 301.)

Nos lois, qui n’admettent l’action en adultère que sur la plainte du mari, ne sont-elles pas sous ce rapport au-dessous de celles des Romains ?

Au reste, le lecteur comprend que je n’entends point faire un titre au libertinage de l’homme de l’espèce de prérogative ou de tolérance que lui ont généralement reconnue les lois, ou, à défaut des lois, les mœurs. Je constate simplement ce fait, dont la portée est plus haute qu’il ne semble au premier abord, savoir, que dans l’opinion de tous les peuples le mariage est institué principalement en vue et dans l’intérêt de la femme ; que, sous le double rapport de l’économie et de l’amour, l’homme perd à cet engagement plus qu’il ne gagne, à telle enseigne que les restrictions dont la liberté de réponse est entourée, la retraite qui lui est imposée, les peines, parfois atroces, dont son infidélité est punie, doivent être considérées bien moins comme un abus de la force que comme une compensation du sacrifice marital et une vengeance de l’ingratitude de sa moitié.

Sans doute une pratique mieux entendue de la vie conjugale rassérénera le ménage et y mettra l’équilibre ; mais ne nions pas ce qui d’abord éclate à tous les yeux, le sacrifice énorme que fait un homme de sa liberté, de sa fortune, de ses plaisirs, de son travail, le risque de son honneur et de son repos, à la possession d’une créature dont, avant deux ans, avant six mois peut-être, je raisonne au point de vue de l’amour proprement dit, il aura assez.

Comment donc l’homme est-il amené à ce pacte où sa prépotence devient serve de la faiblesse ; où, tandis qu’il croit posséder et jouir, c’est lui en réalité qui est possédé,