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sacrement, soit quant à l’autorité maritale, soit quant aux prérogatives de la femme, à l’honneur dû à la mère de famille, etc. À travers la variété infinie des usages, une chose ressort constamment, savoir la pensée de maîtriser l’amour par la religion, et, par une conséquence nécessaire, de rendre le mari, malgré sa prépotence orgueilleuse, que l’on a soin de reconnaître, toujours empressé pour sa femme, la femme, malgré les disgrâces qui l’attendent, toujours aimable pour son mari.

Est-ce donc là une idée qu’il faille mettre sur le compte de la superstition, et qui ne mérite pas plus d’occuper le philosophe que les enchantements, les philtres amoureux, les talismans qui rendent invulnérable ou invisible ?

Ne nous hâtons pas, encore une fois, de porter une semblable condamnation. La religion est essentiellement divinatrice : c’est une mythologie du droit. Or, le mariage est avant tout un acte religieux, un sacrement ; je dirai même, sauf interprétation, qu’il n’est pas autre chose que cela. Pourquoi donc ne pas supposer, ainsi que je l’ai donné à entendre, que le mariage est de toutes les manifestations de la Justice la plus ancienne, la plus authentique, la plus intime, la plus sainte ? Notre expérience de la vie est déjà longue ; mais nous avons si peu réfléchi que notre science de nous-mêmes est à peu près nulle. Que savions-nous, hier, de l’économie sociale, de la constitution de l’État, de l’organisation du travail, de l’éducation de l’intelligence, de la liberté, du progrès ? Que savions-nous de la Justice elle-même ? Nos premières lueurs sur toutes ces choses datent de la Révolution française : par quel privilége eussions-nous été mieux et plus tôt éclairés sur le mariage ?

Je dis donc, et telle est mon affirmation fondamentale, que nous avons ici une création de la conscience d’un nouveau genre, création ayant pour but, non-seulement