Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et soutenu qu’implique l’idée de progrès : ce serait nous faire de puériles illusions.

Il y aurait progrès si, depuis qu’elle existe, la race humaine avait augmenté continuellement en nombre, en taille, en force, en santé, en longévité ; comme il y aurait décadence si le mouvement s’était produit en sens inverse, d’une manière continue, et abstraction faite des accidents de force majeure, dont il convient de faire la part. Or, en dépit des traditions et des fables, il ne paraît pas qu’il y ait lieu d’affirmer l’un plus que l’autre : la raison des choses et l’équilibre général y répugnent.

V

Changeons de terrain. Ce que la fatalité organique nous refuse, peut-être le trouverons-nous dans la sphère de l’esprit.

Il est certain que dans la totalité de l’espèce il y a augmentation de la somme des connaissances : de ce côté, il n’est pas possible de nier le progrès.

Mais à ce fait on oppose deux fins de non-recevoir : le premier est l’invariabilité, sinon la décroissance des facultés de l’esprit ; le second, l’invariabilité encore, sinon la décroissance de l’art.

Ainsi, pour ce qui est de l’esprit, il n’est nullement établi que la puissance de l’entendement, l’imagination, la mémoire, soient proportionnelles à l’accumulation des faits observés et des lois déduites ; que par exemple les Newton, les Kant, les Cuvier, aient été de plus grands génies que les Aristote et les Archimède. Le magasin scientifique s’emplit, en même temps que la science étend son domaine par la division. Mais c’est tout : l’intelligence ne gagne pas, la fonction cérébrale reste la même.

Sommes-nous même sûrs de garder à cet égard le statu quo ?