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3. Le concours des sexes en vue de la génération a lieu sous l’influence d’un sentiment particulier, qui est l’amour. C’est cet attrait puissant qui, dans toutes les espèces où les sexes sont séparés, pousse le mâle et la femelle à s’unir et à transmettre leur vie dans un orgasme mortel. De là ce mot si connu, profond : L’amour est plus fort que la mort ; ce qui signifie que l’être qui a goûté l’amour n’a plus rien à redouter de la mort, parce que l’amour est la mort même, la mort en joie, euthanasia.

Ici commence à se révéler le secret de la mort ; du même coup se fait pressentir la dignité du mariage, qui la rend si douce. Mais nous ne savons pas pour cela comment, au point de vue de l’ordre moral, la mort est une condition de progrès et de félicité : sous ce rapport, ce que nous en avons dit dans une autre Étude attend un complément.

Les anciens firent de cette inclination irrésistible des deux sexes à reproduire leur vie en la sacrifiant à l’Amour le premier-né et le plus puissant de leurs dieux. C’est l’Amour qui débrouille le chaos et anime la nature…. Le Christ rédempteur, donnant sa vie pour le salut des hommes, est encore, à un autre point de vue, un symbole de la génération universelle ; et ce n’est pas sans raison que Dupuis, Origine des cultes, a vu dans la légende du Christ une reproduction de celle d’Adonis.

L’amour est donc l’apogée et la consommation de la vie, l’acte suprême de l’être organisé ; à tous ces titres on peut le définir : la matière du mariage. Mais si le rôle de l’amour dans la génération est très-apparent, on ne voit pas à quelle fin il est donné dans la société, dont le principe propre est la Justice. Encore une question sur laquelle il faut que la théorie s’explique.

Ici nous quittons les faits généraux de l’animalité pour entrer dans la catégorie des faits exclusivement humains.