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Quelques-uns, dites-vous, ont essayé, de notre temps, d’interroger le peuple, et n’en ont rien tiré. La Révolution a eu ses historiens, le socialisme ses orateurs, l’atelier ses chantres : qu’y trouve-t-on ? Le livre aux sept fermoirs a été ouvert ; les pages sont blanches. Ce que l’état révolutionnaire des masses a inspiré de mieux, en prose et en vers, se réduit à quelques réflexions d’une philanthropie sceptique, et rentre dans la littérature désolée qui sortit des ruines accumulées par la Révolution.

À cette objection, je n’ai qu’une réponse : Est-ce que vraiment la Révolution est faite ?…

Oh ! n’attendez pas que le peuple idéalise vos chemins de fer, instruments de sa servitude ; vos machines, qui, en le supplantant, l’abêtissent ; vos banques, où s’escompte le produit de sa sueur ; vos bâtisses, que sa misère n’habitera pas ; votre grand livre, où il ne sera jamais inscrit ; vos écoles, pépinières d’aristocrates ; vos codes, renouvelés du droit quiritaire. Le peuple se souvient de la Bastille, du 10 août et de la réquisition ; il a oublié le reste, car le reste ne lui a de rien servi. Il n’aura pas même un écho pour vos expéditions, soigneusement dégagées de tout intérêt révolutionnaire. Son cœur, desséché par vous-même et que ne féconde plus l’idée, est mort à l’idéal, et votre dégradation sans remède.