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de 1789 la population s’est augmentée en France d’environ dix millions d’âmes, soit 40 p. 100. Une augmentation analogue a pu être constatée dans tous les États de l’Europe. Devons-nous voir dans ce fait un signe de progrès ? Oui, répondrai-je, en tant que ce fait a son origine dans le développement de la liberté et de la Justice ; non, s’il faut l’attribuer à une cause purement organique et fatale.

Or, c’est là qu’est la difficulté.

La croissance et la multiplication, crescite et multiplicamini, sont communes à notre espèce et à toutes les autres ; la loi est la même pour tout ce qui a vie, et n’a pas changé depuis la création. D’un côté, la fécondité n’est pas devenue plus grande ; de l’autre, la consommation par tête n’ayant pas diminué, la population, aujourd’hui comme autrefois, est proportionnelle aux subsistances. C’est de l’organisme, de la fatalité ; il ne peut pas y avoir de là progrès.

Il existe même un fait qui témoigne que l’accroissement de population signalé ne relève en rien de la Justice : c’est l’émigration forcée des prolétaires. L’Irlande, l’Allemagne, la France, déversant leur superflu dans les autres parties du globe, l’individu qui n’a pas de travail ou de revenu forcé de s’en aller : que peut-on citer qui témoigne davantage du fatalisme qui pèse sur la société, et dire de plus fort contre le progrès ?

L’espèce humaine refoule-t-elle par sa multitude croissante le reste du règne animal ? On le dit, et je veux le croire. Cela prouve seulement que nous sommes les plus forts. Supprimez l’homme, le progrès passe aux lions et aux ours.

Voici un autre fait qui au premier abord semble plus favorable :

On a constaté depuis un certain nombre d’années, sur