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pu le faire mollir ; l’applaudissement des lettrés lui fit un cœur d’acier. Quand il prit Mme  de Maintenon, l’homme ne pouvait plus s’amender : dans la voie où il avait fait entrer le despotisme, les ordres supérieurs anéantis, il n’y avait d’issue que la Révolution.

Mais, tout dévoués qu’ils se montrent à la monarchie et au prince, les lettrés forment une société indépendante et égalitaire ; placés sous la protection des muses, ils se constituent en république, et ni Richelieu, ni Louis XIV, ni Napoléon, n’oseront le leur imputer à crime. République des lettres ou liberté de penser, c’est tout un, qu’en dites-vous ? Les lettrés aussi ont leur spirituel ; mais, plus forts que l’Église, ils convertiront le monde à la démocratie, qui déborde dans leurs livres.

Il y eut un moment de péril.

L’éclat qu’avaient fait rejaillir sur la religion les sciences et les lettres devait produire une recrudescence de piété, et faire lever un vent d’intolérance.

Je regarde, quant à moi, la révocation de l’édit de Nantes comme un fait d’histoire aussi nécessaire, les circonstances données, que l’avait été cent soixante-huit ans auparavant la protestation de Luther. C’est la France tout entière qui, après les brillants travaux de controverse et d’exégèse de son clergé, se laisse aller à l’idée de rétablir l’unité dans la religion comme on l’avait établie dans l’État, idée tout à fait de notre pays, et que je m’étonne de voir poursuivie de tant d’injures par la démocratie jacobinique. Le catholicisme était si grand, si beau, dans les écrits des nouveaux Pères !… Comme toujours la royauté fut l’organe de la nation : il est absurde de rapporter un pareil acte à des commérages de dévotes. La révocation de l’édit de Nantes n’est pas plus l’œuvre de Mme  de Maintenon que l’expulsion des Jésuites ne sera