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langue. Aussi ne raisonné-je point de ce qui, dans les vers, ne peut être que senti, mais de ce qui est intelligible.

Dans ceux que je viens de citer, le sujet est posé le premier, conformément au génie français : Je viens. Puis, le sujet, c’est-à-dire vous-même, lecteur ou spectateur, posé même avant l’Éternel, le poëte, en quatre vers, deux couples, vous transporte, le jour de la Pentecôte ou de la promulgation de la loi, du pavé du temple au sommet du Sinaï. Les vers montent comme la pensée ; il semble voir, sur la pente du mont sacré, défiler d’un pas mesuré la procession, maintenant défendue par une reine infidèle.

Que les temps sont changés ! Sitôt que de ce jour
La trompette sacrée annonçait le retour,
Du temple, orné partout de festons magnifiques,
Le peuple saint en foule inondait les portiques.

Je ne dis rien de l’harmonie des vers, de leur majesté, du choix des expressions, des souvenirs tristes et prodigieux que le poëte réveille : sur tout cela la rhétorique n’a rien laissé à dire.

Mais essayez de rendre en hexamètres latins ces huit vers de Racine, et vous vous apercevrez bientôt d’une chose : c’est que, plus votre traduction sera fidèle à l’original, plus la métrique paraîtra en discordance avec les idées. Le vers latin, déroulant ses dactyles et ses spondées comme le serpent ses anneaux, semble une cacophonie ; le vers français marche comme l’homme. C’est le propre de l’esprit humain, de quelque idiome qu’il se serve, de donner, autant qu’il dépend de lui, sa parole comme la mesure de sa pensée. Or, le vers français allant par couples, le dualisme de la pensée y apparaît plus régulièrement qu’en aucun autre : Dans son templeAdorer ; AntiqueSolennel (l’anniversaire) ; Le mont SinaLa Loi. Tous les vers de Corneille, de Racine, de