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que qui voudrait s’y tenir devrait sans hésiter conclure contre le progrès, comme a fait, avec un juste sentiment de la dignité humaine, M. de Lamartine.

D’abord, qu’entend-on par Progrès ? Pour les uns ce mot est synonyme de mouvement. « Nous marchons, disent-ils ; la figure de ce monde change : donc… » Ces sortes de gens ne savent pas le premier mot de la question. Progrès est plus que mouvement, et l’on n’a pas le moins du monde prouvé qu’une chose est en progrès quand on a montré qu’elle se meut.

Pour les autres, le progrès est une évolution vitale, une série décrite dans le temps, quelque chose d’organique et de plein où l’on peut noter une certaine spontanéité, mais où le mouvement ne se montre d’abord en progression que pour se ralentir ensuite d’autant. Comme si des crises déterminées à priori, et dans un certain ordre, par la nécessité de notre constitution, ou arrangées par la Providence pour des fins dont elle se garde le secret ; comme si cette suite de transitions physico-sociales, qui ne dépendent pas de la volonté de l’homme, étaient du progrès humain, le progrès d’un être libre !

L’idée étant aussi mal déterminée, il ne faut pas demander si du moins on a fourni quelque preuve de la réalité du fait : comment constater un fait dont on n’a pas même la notion ? Aussi le fait du progrès n’est-il rien moins qu’établi par les adeptes ; et comme à tous les exemples d’évolution en mieux qu’ils citent on peut opposer des exemples équivalents d’évolution en pis ; comme à toutes les marches en avant de la société, depuis le commencement des temps historiques jusqu’à l’époque actuelle, correspondent des rétrogradations compensatoires, il est réellement impossible, dans l’état où se trouve aujourd’hui la discussion, de dire si, dans l’humanité, il y a avance, recul, ou statu quo.