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Virgile, dans l’Énéide, attribue à la famille des Jules, descendants de Vénus et de Troie.

Plus sage que Lucain, Tacite ne fait pas d’opposition à l’empire, qu’il accepte, ainsi que son ami Pline, et qu’il loue dans les successeurs de Domitien. Il ne sévit que contre les monstres qui déshonorent le nom de César et font douter de la sagesse des dieux.

La multitude comprit Virgile, dont le poëme lui tenait lieu d’oracle, sortes Virgilianæ.

Les chrétiens enfin comprirent Virgile : témoin Lactance, qui, à l’exemple du poëte, fait servir les prédictions des sibylles à l’annonce du règne messiaque ; témoin le père Hardonin, qui, dans sa folie érudite, entrevit pourtant cette vérité écrasante pour un jésuite, que le christianisme existait dans l’Énéide cent cinquante ans avant que d’absurdes compilateurs s’avisassent de le mettre en évangiles.

Rien de ce qui fait la valeur positive et sociale du poëte épique, à savoir la tradition, la politique, la religion, la légende, la révolution, ne manque à l’épopée latine. Seulement la réalité épique s’est agrandie de toute la distance qui sépare le siècle de Priam de celui d’Auguste, la religion d’Homère de celle de Platon, le pacte fédéral des Hellènes de la suzeraineté de Rome et de la messianité des Césars.

De même qu’Homère, enfin, Virgile sert de pivot à un cycle littéraire, dans lequel on peut remarquer quelques lacunes et dont la durée fut aussi plus courte, mais dont l’inspiration est certainement plus haute, l’originalité plus puissante. Si la tragédie manque aux Latins, si Trogue-Pompée, Tite-Live, Salluste, ne font que balancer Hérodote, Thucydide, Xénophon, en revanche, la Grèce n’a rien qu’elle puisse opposer aux Géorgiques, aux formules du préteur et des jurisconsultes. Le sens