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XLII

Virgile est l’expression du caractère romain, de la religion romaine, le poëte des traditions et des destinées du peuple romain. Comme la littérature grecque gravite sur l’Iliade, de même la littérature latine, avant et après Virgile, gravite sur l’Énéide. Virgile est la pensée condensée de Rome, de la Rome républicaine aussi bien que de la Rome des empereurs.

Quand le sénat, un siècle auparavant, envoyait Scipion Nasica, déclaré le plus honnête homme de la république, chercher en Phrygie, patrie d’Énée, la statue de la Bonne Déesse, il posait le thème de l’Énéide.

Lucrèce, au commencement de son poëme de la Nature, invoquant Vénus, mère des Romains, suit la même idée.

Horace, composant le chant séculaire, travaillant dans ses Odes, ses Épîtres et ses Satires, à la réforme des mœurs et à la célébration de l’empire, est l’auxiliaire de Virgile.

Ovide, dans ses Métamorphoses, que fait-il autre chose que de reprendre la grande pensée de Virgile, devenue plus tard la base du christianisme, que tout dans la mythologie des nations et dans leur histoire a été préparé et préordonné pour la grandeur de Rome ?

Autant Homère avait été compris des Grecs, autant Virgile le fut de ses contemporains. Je ne parle pas d’Auguste, qui y avait un si grand intérêt ; je ne dis rien de Mécène, de Pollion, de Varus, de Gallus, tous plus ou moins associés à la gloire impériale. Mais Lucain ne le comprit que trop, quand, plein d’une horreur généreuse pour la tyrannie de Néron, il essaya dans la Pharsale, un poëme impossible, de détourner au profit du vieux républicanisme cette haute et pacifique dictature que