Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.

point à la Grèce, anarchique et frivole ; elle passe à l’Italie, grave et juriste ;

Établissement des colons troyens dans le Latium : initiation des peuplades ausoniennes, à demi barbares, et passage de celles-ci de l’état saturnien (âge d’or, mœurs primitives) à une civilisation supérieure.

À ce propos, nous remarquerons avec combien peu d’intelligence on a comparé les combats de l’Énéide à ceux de l’Iliade. Les situations ne sont plus les mêmes ; je regrette seulement que Virgile, par quelques corrections, n’ait pas plus fortement marqué la différence. Turnus sera d’autant plus intéressant qu’il posera moins en Achille ; de même qu’Énée, un guerrier revenu de Troie, paraîtra d’autant plus héroïque qu’il montrera, en face de ses adversaires, plus de calme ;

Réconciliation des dieux sur le berceau de Rome : position du principe de l’unité des cultes, exprimée plus clairement par Auguste dans le Panthéon ;

Développement historique, providentiel, de la puissance latine, et première révélation du progrès et de la catholicité du genre humain ; idée développée cent ans après par Florus et imitée au dix-septième siècle par Bossuet, qui en fit un argument de la révélation chrétienne.

Le dénoûment de l’Enéide est d’un haut enseignement. Vaincue en la personne de Turnus, en réalité Junon triomphe. Le refuge est accordé aux Troyens en Italie ; mais ils perdent leur nom et leur nationalité. L’Italie reste inviolée, avec ses mœurs, sa religion, son nom, ses lois, sa langue ; l’Asie est absorbée et le gage de cette absorption est la gloire de Rome, de toutes les villes du monde la plus dévouée au culte de Junon. La civilisation, semble dire Virgile aux Romains, devenus à leur tour conquérants et colonisateurs, se communique ; elle n’ôte pas aux races