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ment contre le progrès ! Grâce au ciel, l’homme n’a pas manqué à l’époque ; c’est la nature, hélas ! qui a défailli dans l’homme. Pour rendre à Virgile la justice qui lui est due, ce n’est pas assez de dire ce qu’est l’Énéide ; il faut montrer ce qu’entre ses mains elle fût devenue si une pareille œuvre, entreprise par un seul homme, avait pu être achevée par un seul homme.

XLI

Le sujet de l’Énéide est la fondation de la cité latine par Énée, en autres termes, les origines et antiquités de Rome et de l’Italie.

Son objet est la rénovation du monde connu, sous l’empire et la loi de Rome.

Du premier mot nous avons quelque chose qui, pour le fond et la forme, dépasse l’Iliade. Nous pouvons dire avec Properce : Nescio quid majus nascitur Iliade.

Virgile a formé la plus grande entreprise qui se soit vue dans le monde de l’intelligence. En célébrant la grandeur de Rome dans ses origines, il a voulu opérer la régénération même de Rome, et, par Rome, de l’humanité, dans la religion, les mœurs, les lois, la politique, les institutions, les idées, la philosophie, l’art.

Que de choses, direz-vous, pour un poëme épique ! Oui, que de choses ! Et notez que parmi ces choses, il en est une foule que les contemporains d’Homère eussent été incapables d’élever jusqu’à l’idéal, et devant lesquelles eût reculé la muse grecque. C’était tout cela pourtant que devait chanter Virgile, et ce ne pouvait être moins que cela. Que ceux qui sont à même de comparer le latin et le grec, et dont l’imagination n’est pas retombée au niveau des héros de l’Iliade, disent si c’est par l’exagération de son sujet qu’a failli le poëte.

Virgile, on le voit dès la 4e églogue, on le sent d’un