Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

men, idée qui fait sa vie, hors de laquelle, pour les enfants de Deucalion, point de salut.

Toute la Grèce, ses origines, ses tribus, ses mythes, ses dieux, ses dynasties, sa géographie, ses dialectes, sa politique, son économie, ses mœurs, ses passions, son industrie, sa flore même et sa faune, est dans l’Iliade. Ceci nous explique pourquoi le poëme épique est unique de sa nature, comme la religion, comme la nation et l’État. C’est la Bible donnée à chaque peuple, le pacte fait entre lui et le ciel, le dépôt de ses oracles, la somme de ses institutions, le gage de son avenir.

Après l’Iliade, on fera encore des romans épiques, dont le plus considérable sera l’Odyssée. L’Odyssée est la famille grecque, ce qu’il y a de plus grand parmi les hommes après la patrie. Qui l’emporte, de l’épouse exposée sans défense à toutes les séductions de la viduité, mais fidèle à l’absent jusqu’au martyre, ou de l’époux qui, pour revoir l’élue de son cœur, dédaigne l’immortalité offerte par une déesse ?… Tel est le mariage selon le génie grec, père, sous ce rapport, du génie celtique : Rome et le christianisme ne dépasseront pas cet idéal. Mais ni l’Odyssée, ni aucun autre poëme grec du même genre, n’atteindra à la hauteur de l’Iliade : en sorte que, s’il eût été possible que l’Iliade n’existât pas, on douterait aujourd’hui de la faculté épique de la Grèce.

Le sujet du poème donné, ainsi que son objet, Homère est tout ce qu’il peut être : digne chantre d’une grande époque, d’une grande idée, d’une race héroïque fraîchement entrée dans la vie, et qui, comme l’essaim à peine éclos, travaille à résoudre le problème de sa démocratie.

Le plan de l’Iliade est celui d’une chronique : on dirait presque le journal d’un siége. Le vers, facile, rapide, babillard, est souvent négligé, mais ravissant de jeunesse, de sérénité et de grâce. Le privilége de l’enfance est de