Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XXXVI

Puis donc que l’antinomie est la même, la théorie, sauf le changement des termes, sera aussi la même ; et les propositions suivantes, que je ne fais qu’extraire de nos deux Études sur la Liberté et le Progrès, peuvent être regardées comme le résumé de toute l’esthétique :

1. L’art est la liberté même, refaisant à sa guise, et en vue de sa propre gloire, la phénoménalité des choses, exécutant (qu’on me passe le mot) des variations sur le thème concret de la nature.

2. L’art, ainsi que la liberté, a donc pour matière l’homme et les choses ; pour objet, de les reproduire en les dépassant ; pour fin la Justice.

3. Pour juger de la beauté des choses, à plus forte raison pour les idéaliser, il faut connaître les rapports des choses : toutefois, si l’art ne peut se passer de cette connaissance ni la contredire, elle ne peut pas non plus le suppléer, et ne l’explique pas tout entier. Il relève encore d’une autre faculté, qui est le goût.

4. En tout objet, produit de l’art ou de la nature, la beauté, d’accord avec la réalité, est proportionnelle à la somme des rapports que contient l’objet ou qu’il est censé exprimer.

5. L’art est solidaire de la science et de la Justice : il s’élève avec elles, et déchoit en même temps.


Observations.

Les deux premières de ces propositions sont fondamentales. Elles expriment le principe, le caractère et le but de l’art, la source de l’idéal : à cet égard, nous n’avons pas à entrer dans d’autres développements que ceux qui ont été donnés précédemment à propos de la Liberté et du Progrès.

Remarquons seulement que la notion de beau idéal