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mort : si parfois le prétorien était ivre, en fait de justice il expédiait besogne.

Guerre de Probe contre les Perses : la Perse est le passetemps des empereurs, quand les autres parties de l’empire les laissent en repos. Probe contraint l’ennemi à la paix.

Mais que fait à la multitude la vertu de l’empereur ? Le peuple n’a plus rien de romain ; le sentiment civique est mort dans son âme : c’est à ses sens qu’il faut parler.

L’an 281, Probe, vainqueur de tous les ennemis de l’empire au dedans et au dehors, donne à la grande ville le spectacle du triomphe. Aux magnificences de cette solennité, on vit une forêt transportée dans le cirque à bras d’hommes, peuplée de mille daims, mille cerfs, mille sangliers, mille autruches, qui furent abandonnés à la multitude. Le lendemain parurent pour les combats cent lions, cent lionnes, deux cents léopards, trois cents ours et six cents gladiateurs. Quatre-vingts de ces malheureux se jettent à l’improviste sur les gardiens, les tuent, se répandent dans la ville, qu’ils remplissent de meurtre et d’épouvante, comme si les bêtes s’étaient toutes échappées de l’arène, et ne succombent que devant des troupes régulières, en vendant chèrement leur vie.

Ainsi, tandis que les classes supérieures, travaillées par les idées, subissaient une transformation incessante, passaient du sensualisme désespéré de Sylla et de Lucullus à la frugalité d’un Probe, d’un Carus, d’un Dioclétien, la plèbe ne changeait pas. Comme les bêtes féroces dont elle repaissait sa curiosité stupide, elle gardait sa brutalité, forçant l’empereur de flatter ses vices et de se faire à son image.

La prise de Ctésiphon, de l’autre côté de l’Euphrate, fut le dernier exploit de Probe. De retour en Illyrie, août 282, il est assassiné à Sirmium, sa patrie, autant pour sa politique de réforme que pour la rigidité de sa discipline et les travaux qu’il imposait à l’armée. Dans son zèle de réformateur et d’économiste, Probe avait trop laissé voir aux soldats l’esprit qui l’animait, esprit qui dépassait le christianisme même de seize siècles. Il lui était échappé de dire qu’un temps viendrait où l’empire n’aurait plus besoin de soldats ni de tributs !… C’était