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pleurs pour sa femme. Ulpien et ses collègues étaient conservateurs et impérialistes sans nul doute, à ce titre non suspects ; mais leur idéal se rapprochait plus de celui des Antonins que de celui de Sévère, et par le fait ils semblaient rétrograder. Comme tous les magistrats, après avoir fait de l’opposition à l’idée impériale, ils avaient fini par s’y rallier, et travaillaient à sa consolidation quand déjà elle déclinait. Pour soutenir leurs théories il eût fallu un héros, non un enfant, à supposer même que le mal ne fût pas au-dessus de tout héroïsme. « Si Alexandre, dit naïvement son biographe, fut un si grand empereur, c’est qu’il se laissa guider en tout par Ulpien. » — Je n’en veux pas davantage pour conclure que le pauvre Alexandre, qui mit tant de soin à chasser les eunuques d’Élagabal, fut l’instrument d’une camarilla de pédants et de sots.

En 232, Alexandre marche contre Artaxerce, le Sassanide. Entre temps, il s’occupe d’études philosophiques et morales, et compose un livre sous ce titre : Règles pour bien vivre. Recueil de ses thèmes, sans doute. Après une campagne mal dirigée et sans gloire, il ramène ses troupes mutinées à Antioche, et ne s’en donne pas moins, de retour à Rome, la gloire du triomphe. Pouvait-il moins pour l’honneur de son nom, ce nouvel Alexandre ?… Le vent de la révolte souffle de tous côtés ; quatre empereurs sont nommés à la fois, tant le dégoût d’un si estimable prince était universel. Ce n’était pas manque de bonne volonté, cependant. À part le soin qu’il prenait de son pécule, irréprochable, austère même dans ses mœurs, affectant la popularité, soigneux du soldat malgré la sévérité de la discipline ; ne négligeant rien pour s’attirer l’affection des officiers et fonctionnaires ; allant jusqu’à leur procurer des concubines, quand ils n’étaient pas mariés (ici perce le bout de l’oreille d’Élagabal) ; quel prince, en son gouvernement et dans toute sa vie, fut plus accompli qu’Alexandre ? Enfin, en 235, après une campagne équivoque contre les Germains, il est tué avec sa mère, à l’âge d’environ trente ans. Quoiqu’il fût grand, fort, adroit aux exercices du corps, on peut dire qu’il ne prit jamais la toge virile. Son règne fut aussi funeste à l’empire que l’avait