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marque de la faveur divine, de valoir trente hommes dans l’action, reproduit à sa manière la lasciveté religieuse d’Élagabal.

Vraiment, et ceci prouve encore en faveur des Romains du troisième siècle, le malheur d’Élagabal fut de n’être qu’à moitié compris. Il crée, pour le gouvernement de l’empire, un sénat de femmes vouées à Vénus : c’est le principe de l’égalité des sexes qu’affirme Élagabal, au nom de l’amour. Comme dans les romans du marquis de Sade, le sang et la volupté, la Vénus physique et la Vénus Uranie, se réunissent dans la religion d’Élagabal. Au dieu de l’amour et de la génération il offre des victimes humaines ; il viole une vestale, et aime platoniquement une courtisane ; tient académie de prostitution masculine et féminine, assigne un donativum à ses compagnes d’armes, rachète aux frais de l’État les femmes publiques, esclaves la plupart, et leur donne la liberté : hommage éclatant rendu par l’empereur à l’amour libre. Il s’habille en femme, prend le nom d’impératrice, confère les dignités de l’État à ses nombreux maris, recrutés du cirque, de l’armée, de la marine et de tous les lupanars, pour leurs facultés priapiques. Commode, poursuivant les bêtes du cirque, jouait l’Hercule ; Élagabal joue la Vénus, tantôt l’Anadyomène, tantôt la Callipyge, et, dans son hermaphrodisme, épuise toutes les inventions de la volupté. Sous lui, c’était un moyen de fortune que la possession d’un grand et gros nez, marque, selon lui, d’une prédestination du ciel. Jamais il ne toucha deux fois la même femme. Il se fit un devoir de figurer nu dans la procession des prêtres de Cybèle, imitant de son mieux la castration et se faisant traîner sur un char attelé de femmes nues. David, compatriote d’Élagabal, n’avait-il pas dansé nu devant l’arche ?… À ses mignons, qu’il rasait et épilait lui-même à la mode des femmes d’Orient, il baisait avec respect les parties honteuses, comme nous faisons les reliques…

Ces folies, d’après ce que l’on sait des mystères de la déesse syrienne, ne permettent pas de douter qu’Élagabal, né d’un inceste, initié par sa mère au culte de Vénus, n’ait agi par fanatisme autant que par débauche. Le délire vénérien était monté partout au paroxysme ; chrétiens et païens, Grecs, Romains et