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tait devant lui sa bannière dans les batailles, et lui commanda d’attacher au bout d’une lance le drap dans lequel on devait l’ensevelir, de le lever comme l’étendard de la mort qui triomphe d’un si grand prince, et de crier, en le montrant au peuple : Voilà tout ce que le grand Saladin emporte de ses conquêtes. »


Si le grand Saladin a fait cela, je déclare qu’il n’avait plus sa tête, sans quoi il faudrait avouer qu’il n’avait été pendant toute sa vie qu’un imbécile. Je passe sur les exemples du grand Charles-Quint, du grand saint François de Borgia, du grand Antiochus, du grand Balthazar, du grand prince indien Josaphat, et sur une foule d’autres, tirés du Comte de Valmont et des Pères. Ces pitoyables rapsodies se vendent avec votre approbation, Monseigneur, et avec l’approbation de vos collègues : ce sont les leçons dont vous remplissez l’esprit du peuple, qui du reste en prend à son aise, et vous aurait bientôt et pour jamais abandonnés, si, destitué de capital, de crédit, de propriété, de science, privé de toutes les garanties de la nature et de la société, dans ce système où il est forcé de vivre, le désespoir ne le ramenait sans cesse aux pieds de votre miséricorde.

XXXII

La terre, dit l’Église à ses enfants, vaut-elle la peine que vous vous querelliez pour sa possession ? mérite-t-elle votre amour ? Hommes d’un jour ! que vous importe que pendant votre courte vie ce lambeau soit inscrit sous votre nom ou sous le nom d’autrui ? Qu’y a-t-il dans cette boue, dans cette roche, dans ces buissons, dans ces ajoncs, qui vous charme ? La mangerez-vous, cette vile matière ? En ferez-vous votre maîtresse, votre reine ? Quoi de commun enfin entre l’homme, être spirituel, fait pour aimer et servir Dieu, et cette terre, propre tout au plus à produire de l’herbe pour votre bétail, du pain dur pour