Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

séquent avec l’âme de l’homme, sa fille immortelle.

Car tel est le rapport que la religion établit entre Dieu et l’univers ; tel il sera, par la marche nécessaire de l’idée, entre l’homme et la terre. La révélation elle-même a pris soin de nous le dire. Pourquoi le Décalogue défend-il d’adorer rien de ce qui est en haut au ciel, ou en bas sur la terre, si ce n’est parce que le ciel et la terre, et tout ce qu’ils contiennent, sont réputés créatures, œuvres de fabrique, dépouillées par conséquent de toute vie propre, de volonté, d’intelligence, de substance même ? Au fond, ce sont des néants.

Quel cas pourrions-nous donc faire d’une nature que Dieu définit, non point comme partie de lui-même, mais œuvre de ses doigts ?

Comment y verrions-nous une mère, une nourrice, une sœur, une épouse, alors que lui daigne à peine la toucher du bout du pied ?

La terre est à Jéhovah, dit le psalmiste, et tout son mobilier : Domini est terra et plenitudo ejus. — Et qu’en fait-il de cette terre, ô sublime chantre des grandeurs de Dieu ? Admirez la réponse du Juif : Jéhovah, maître de toute la terre, y a choisi un petit coin, le mont Moriah, pour s’y faire bâtir un temple et y rendre ses oracles !… Quis ascendet in montem Domini ?

Ainsi, de Dieu à l’univers visible le rapport, selon le chrétien, est celui d’un maître absolu sur sa chose : c’est le contraire de ce qu’affirment le fétichisme, le panthéisme, l’animisme, toutes les opinions qui, sans nier absolument la Divinité, tendent à la faire rentrer dans le système général des existences. Il ne peut pas être question aujourd’hui de ressusciter ces vieilles théories, en face desquelles le christianisme devait se produire comme antithèse ; mais toute antithèse, n’étant par elle-même qu’une face de l’idée, doit suivre le sort de la thèse,