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Que je me trompe, c’est le plus ardent de mes vœux, bien que les faits qui se passent en ce moment en Belgique ne soient pas de nature à me faire revenir de mon jugement. Le prêtre qui croit à la vertu par religion peut toujours, tant qu’il croit, devenir un citoyen et un juste ; le prêtre que l’impiété a rendu immoral est au-dessous du supplice : il ne reste qu’à l’étouffer dans le fumier.

Cette triste fin de l’éducation religieuse semble avoir été pressentie par les apôtres même du christianisme ; quelque chose leur disait que la foi est le tombeau de la morale. De là la dispute ardente qui s’éleva entre Pierre, Jacques et Jean, d’une part, et Paul, l’illuminé de Damas, de l’autre, sur la prépondérance de la Foi et de la Justice. Les trois premiers, disciples immédiats du Christ, témoins de ses invectives contre l’hypocrisie pharisaïque faisaient des bonnes œuvres toute la religion ; l’apôtre des Gentils, plus fort dans la dialectique, soutenait que la foi seule donnait la vertu aux bonnes œuvres, et, prenant ses adversaires par leurs propres maximes, il leur montrait qu’il fallait ou abandonner la loi du Christ et de Dieu même comme inutile, ou reconnaître avec lui que l’homme ne se justifiait que par la grâce, et que le premier acte du chrétien était de mourir à sa propre vertu. Nous tous qui avons reçu le baptême du Christ, disait-il, nous nous sommes enterrés avec lui ; notre baptême est l’acte mortuaire de notre âme : Quicumque baptizati sumus in Christo, consepulti sumus cum illo per baptismum in mortem. Cela se chante dans toute l’Église, le jour de Pâques, à la procession aux fonts baptismaux : l’Église attestant par cette cérémonie qu’elle s’est rangée à l’opinion de Paul, suivant laquelle l’homme ne devient enfant de Dieu que par le renoncement à sa conscience.