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que la philosophie n’a pas encore parfaitement reconnue, mais dont le caractère fatal apparaît d’autant mieux qu’on l’étudie davantage. Entraîné par cette évolution, comme la goutte d’eau par les courants océaniens, l’homme n’est pas libre ; et plus il se civilise, en obéissant à la puissance qui le mène, moins il se reconnaît de liberté.

Rép. — L’objection est sans valeur, attendu qu’elle ne tient compte que d’une moitié des faits. Sans doute la nécessité joue un rôle dans les évolutions de l’humanité, et ce n’est pas un médiocre travail d’en faire la détermination : nos historiens philosophes en sont aujourd’hui là. Mais le libre arbitre a aussi sa part : je n’en veux pour le moment d’autre preuve que le sentiment de toute cette école de narrateurs qui nie précisément ce qu’on est convenu d’appeler philosophie de l’histoire. Nous verrons plus tard, en traitant du Progrès, de quoi se compose cette part de la liberté.

Obj. — Qu’on distingue, si l’on veut, deux sortes d’actes humains, les uns qu’on attribue au libre arbitre, les autres qu’on rapporte à la nécessité : en fin de compte, le libre arbitre ne va pas au chaos ; ce serait une étrange liberté que celle qui aurait pour objet de créer le désordre. Or, la société, œuvre du libre arbitre, expression, incarnation du libre arbitre, ne peut pas exister sans un organisme, et cet organisme a des lois. Comment peut-elle être dite libre ?

Rép. — Il a été démontré au contraire (Études IV et VII) que l’ordre social, tel que le veut la Justice et que le poursuit le libre arbitre, n’est point un organisme, un système ; c’est le pacte de la liberté, son équation de personne à personne, ce qui comporte, au point de vue de l’idéal, la plus grande variété possible de combinaisons, la plus grande indépendance des individus et des groupes.

La liberté, dans sa course indomptée, niant tout ce