Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/541

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle ne peut donc les suppléer ni les devancer : sous ce rapport, elle est dans la dépendance de ses origines. Mais ce que ne lui donnent ni la sensation, ni le sentiment, ni la science, le sublime et l’idéal, elle le produit comme son œuvre propre ; par cette production, elle s’établit sur l’univers entier et fait acte de souveraineté.

Obj. — L’esprit ne se détermine jamais sans motifs. Donc, s’il dépend de motifs, il n’est pas libre.

Rép. — Pure équivoque. De tous les motifs auxquels paraît obéir l’esprit, il n’y en a jamais qu’un qui vaille, et ce motif unique est toujours pris dans la liberté : c’est la glorification du moi, ad majorem mei gloriam.

Fichte le dit en autres termes :

« Ma nature tend en définitive à une indépendance, à une personnalité absolue. Je ne puis en approcher que par l’action… Je dois tendre à faire du monde entier ce que mon corps est pour moi… La loi de la liberté, loi unique, est donc détermination absolue de soi-même par soi-même. » (Willm, t. II, p. 315 et 367.)


Obj. — Tout cela est abuser des termes. La liberté est la liberté, ou elle n’est pas : voilà ce que dit à priori la logique. Or il se trouve, en venant aux explications, que l’on ne dit rien de la liberté qui ne suppose en même temps la nécessité, et que toute définition leur est commune.

Rép. — Toujours l’antinomie ! La nécessité aussi est la nécessité, ou elle n’est pas : voilà ce que dit à priori la logique. Comment donc se fait-il, quand on vient aux explications, que la nécessité est continuellement traversée par la contingence ; qu’on n’en puisse rien dire qui ne rappelle le hasard ou le libre arbitre, si bien que toute définition leur devient commune ?

Sortez donc de cet imbroglio. Connaissez-vous rien dont l’existence vous soit plus assurée, en même temps l’oppo-