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ensuite, après avoir constaté, dans l’espèce, que la liberté est à elle-même son objet et sa fin, que son action est supérieure à toute nécessité, sa raison supérieure à toute raison, conclure qu’elle est libre, puisque le service exclusif de soi-même est précisément ce qu’on entend par liberté : nemo sibi servit.

Devant ce conflit de contradictions que reste-t-il donc à faire ? Une seule chose, savoir si la liberté est une fonction positive de l’être humain ; en autres termes, si l’homme, composé de matière et d’esprit, assemblage de tous les éléments et de toutes les puissances de la nature, ne possède pas, ipso facto, une force de collectivité qui le rende maître absolu du monde et de lui, et quel est l’objet et le but de cette force. Le fait reconnu, établi, analysé, expliqué, toute discussion devient puérile, aucune antinomie ne pouvant prévaloir contre le fait qui la pose. Que font, je vous le demande, les arguments des éléates contre le mouvement ? Que prouvent, contre l’existence des corps, les difficultés que soulèvent la divisibilité à l’infini de la matière et sa non-divisibilité ? Il serait aisé d’élever contre la nécessité elle-même autant d’objections qu’on en peut faire contre le libre arbitre : cela détruirait-il la certitude que nous avons de la nécessité de certaines choses ?

Oui, la liberté a pour adossement l’ensemble des nécessités de la nature et de l’esprit : c’est pour cela qu’elle est la liberté. Oui, la liberté a sa raison, son principe, sa fin : c’est pour cela qu’elle est quelque chose.

Obj. — Si l’homme est libre, et si la liberté est en lui la résultante de l’organisme, image et résumé de la nature, comment, sans une expérience continuelle des choses, ne peut-il rien imaginer, rien connaître ?

Rép. — Distinguons. La liberté est la résultante des facultés physiques, affectives et intellectuelles de l’homme ;