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différence : tous deux sont également parvenus, l’un par le sacrifice, l’autre par l’impiété, celui-ci pour la gloire, celui-là pour la honte, au dépouillement moral, au néant de la conscience.

Sans doute tant que le baptisé, le rédimé, le confessé, le communié, le confirmé conservera la foi, on peut espérer qu’il ne fera le mal qu’à moitié : car, quant à la vraie Justice, chez le fidèle il n’y en a pas. Mais qu’arrivera-t-il tout à l’heure, si ce vase d’élection manque de persévérance ? La foi ayant passé, la Justice ne reviendra plus ; et nous aurons chez un être vivant ce que toute la malice humaine serait incapable par elle-même de produire, une âme entièrement gangrenée, pourrie.

L’extinction absolue du sens moral, impossible chez l’homme que la religion n’a pas fourbu, est le mal propre des dévots ; c’est la plaie du sacerdoce. Ce n’est guère que parmi les prêtres et les pontifes que se rencontrent ces monstres en qui la pratique raisonnée du crime est un effet de l’athéisme, effet lui-même de la double conscience. Les temps effroyables des Alexandre VI et des Léon X sont passés : la Révolution nous en sépare à jamais. Grâce à elle, l’Église purifiée ne reviendra pas à ces mœurs de Sodome. Mais que la Révolution faiblisse, et, les révélations quotidiennes des cours d’assises ne le disent que trop, on verrait bientôt repulluler ce clergé, de tout rang et de tout ordre, que la religion, d’abord embrassée avec extase, puis perdue sans retour, a rompu au mépris de toute loi sociale, et à qui l’exploitation de la multitude, les jouissances du ventre, le viol, l’inceste, l’adultère, la pédérastie, tiennent lieu de sacrements et de mystères. Le secret de la Compagnie de Jésus, déguisé sous sa fameuse devise, Ad majorent Dei gloriam, m’a toujours paru être un pacte de tyrannie et de débauche, fondé sur la superstition populaire et l’athéisme sacerdotal.