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née, abandon à la providence divine, désespoir même, tous ces termes, auxquels les philosophes des différentes écoles réduisent la liberté, sont autant de corollaires de la notion que nous avons donnée du libre arbitre, hors de laquelle ils n’ont même plus de sens.

XXXVII

La liberté est le grand juge et le souverain arbitre des destinées humaines : c’est ici que son action se manifeste dans toute sa grandeur.

La liberté n’eût jamais paru obscure ou douteuse si, au lieu de l’étudier dans l’individu, où son action se découvre d’autant plus difficilement qu’elle se confond dans le mouvement général, on avait pu l’observer dans l’espèce, où avec le temps son travail devient manifeste.

Ceux-là pouvaient-ils, en effet, croire à la liberté, qui voyaient l’homme, d’un côté pressé par les nécessités de sa nature, tiraillé en tout sens par les excitations de sa sensibilité ; d’autre part, et ceci est le pire, subjugué par une légion de croyances dont on n’avait garde de soupçonner l’origine libérale, et dont l’ignorance faisait autant d’entraves pour la liberté même ?

Que pouvait paraître le libre arbitre dans un tel milieu ? À quoi servait-il ? Que voulait-il ? Quels étaient son rôle, sa signification, son but ? De quelque côté que l’homme se tournât, il rencontrait un organisme qui ne laissait aucune place à ses déterminations et l’emportait dans son mouvement : organisme de l’univers, au sein duquel il se voyait perdu comme la goutte d’eau dans l’Océan ; organisme de son propre corps, duquel il sentait dépendre ses facultés, ses passions, ses sentiments, sa vertu et jusqu’à ses idées ; organisme de la société, auquel il obéissait comme à une nécessité de second ordre, dont il ne pouvait se délivrer ; organisme de la religion, qu’il