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tendement pur, la sociabilité pure, les passions pures, ni par aucun jeu des puissances naturelles.

Supposons que la nature eût voulu faire de l’homme un animal simplement sociable : elle n’avait qu’à lui donner en prédominance l’instinct de la sociabilité, comme au mouton, et tout était dit ; plus de jalousies, plus de tien et de mien, plus de guerre.

Supposons qu’elle l’eût voulu créer seulement pour la science ou l’industrie : il lui suffisait d’amortir en lui la puissance imaginative, et de rendre d’autant plus expéditif et plus prompt l’esprit d’observation, d’analyse et de synthèse. Ainsi constituée dans son intelligence, notre espèce eût pu se contenter d’une langue unique, invariable comme les signes du sourd-muet, comme le chant de l’alouette et du rossignol. Une parole artistique, flexible, vivante, n’appartient qu’à un être libre.

Des phénomènes qui ne se peuvent classer dans aucune catégorie de la nature physique, sensible, intelligente, des effets qui ne se rapportent à aucune cause connue, supposent nécessairement dans le sujet qui en est l’agent une faculté supérieure : nommez-la Dieu, si vous voulez ; moi, je l’appelle libre arbitre.

Est-il besoin d’ajouter qu’un sujet qui dispose des forces de la nature, des lois de la pensée, des attractions de la vie, et qui en tire ce que nous voyons ; un sujet maître de ses moyens et de ses fins, capable de résister même au vœu de sa conscience, et de faire ce que lui-même déclare mal et honteux, un tel sujet ne fait point ce qu’il fait par une nécessité intérieure, et qu’il a toujours la faculté de s’abstenir autant que de choisir ? Les actes de la liberté sont si peu l’effet d’une nécessité du dedans, que le plus souvent elle se contente de suivre le courant des choses, s’en remettant à la décision du sort. Liberté d’option ou d’indifférence, résignation à la desti-