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pour créer dans l’âme de l’artiste le génie et l’enthousiasme ne produisent que vulgarité, froideur ou système.

Dans la philosophie, le pyrrhonisme et la dispute témoignent tous deux de l’existence du libre arbitre : c’est l’acte par lequel l’homme, curieux de connaître la raison des choses, dans l’intérêt même de sa liberté et des créations de son bon plaisir, se tient en méfiance de sa propre pensée, et cherche à démêler les pures aperceptions de son entendement des fantaisies de son idéal. N’est-ce pas ainsi que nous l’avons vu, substituant d’abord, ses conceptions absolutistes et arbitraires aux données positives de l’expérience, altérer sans cesse la vérité des choses, non par amour du mensonge, mais par sa tendance à se soumettre les choses ; puis, pour se garantir contre l’usurpation de son arbitraire, appeler contre lui-même la contradiction de ses semblables ?…

La science et l’industrie, à leur tour, rendent témoignage à la liberté. Chacun sait le rôle que l’imagination joue dans les découvertes, combien elle devance la généralisation, faculté de logique pure, dont le service se réduit pour l’ordinaire à constater la justesse des hypothèses que lui livre la première. L’imagination, l’invention, part de plus haut que l’entendement : d’où peut-elle venir, sinon de la liberté ?

La propriété, enfin, le travail, l’échange, attestent, par leurs formes abusives, par leur concurrence et leur agiotage, l’action du libre arbitre. Ces ruptures d’équilibre, ces crises, pires que la guerre et ses massacres, ces liquidations révolutionnaires, le proclament assez.

Ni la religion, ni la Justice, ni l’art, ni la controverse philosophique et le pyrrhonisme qu’elle enfante, ni la science et l’industrie, ni cette oscillation perpétuelle de la balance économique, ne sauraient s’expliquer par l’en-