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paraîtra que mieux, et la liberté aura droit de dire à son champion : Tu m’as trahie !

M. Michelet (de Berlin) nomme la liberté, mais pour la rétracter aussitôt. Je cite ses paroles :

« Dans notre système, la nature et l’humanité se développant d’après des lois éternelles, constituant elles-mêmes l’intelligence souveraine, il y a cette différence entre la nature et l’humanité, que dans cette dernière les individus ne sont pas, comme dans la nature, entraînés tous indifféremment par un instinct aveugle auquel ils ne peuvent résister ; mais que, par la conscience qu’ils ont, c’est-à-dire par le dualisme entre le sujet et l’objet, ils peuvent se retirer dans leur subjectivité, suivre leurs fantaisies arbitraires, se détourner de la marche objective des choses, ne pas y prendre une part active, ou tâcher même de l’arrêter. »


Tout cela, comme on voit, est assertion pure. Quelle est cette faculté dont l’unique privilége est de se conformer aux lois éternelles, et qui devient illégitime dès qu’elle y résiste ? Une semblable faculté peut-elle être autre chose qu’un mythe ? A-t-elle un rôle dans la vie humaine ? N’est-il pas plus judicieux de la réduire tout de suite à la liberté d’indifférence, comme Descartes, en expliquant ses prétendues révoltes par de simples ignorances, des méprises de l’entendement ?

M. Michelet l’a senti ; aussi se hâte-t-il de revenir au quiétisme de Hégel :

« Les individus, il est vrai, qui font de pareilles tentatives sont tôt ou tard écrasés par les roues du char de l’histoire, qui finit par marcher sur ceux qui obstruent son passage.

« Néanmoins les individus ont une certaine force. Ils retardent la marche de l’histoire, quoiqu’ils ne puissent l’empêcher. Mais, dans ce cas encore, les individus, tout en suivant leurs penchants et en exerçant leur libre arbitre, ne sont pas libres dans le véritable sens du mot. Ils sont les esclaves de leurs passions, comme dit Spinoza, tandis que la