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genre : ce n’est plus dans ce doute qu’est la contradiction, c’est dans la notion même de liberté. D’un côté, vous dit-on, et vous l’avouez vous-même, la liberté n’est jamais pure, puisqu’elle est toujours accompagnée de motifs ; d’autre part, on vous fait observer qu’une liberté sans motifs, telle que le génie de Descartes la pose en Dieu, est inintelligible. Il s’agit d’après cela de savoir ce que peut être la liberté, si tant est qu’elle soit encore quelque chose. Dites ce qu’est la liberté, distinguez-la de tout le reste, définissez-la, montrez-en la fonction : vous serez reçu ensuite à invoquer le sens intime. Mais affirmer l’existence d’une chose, alors que vous ne savez pas le premier mot de cette chose ; à cette occasion reproduire le fameux argument de l’école, Je veux lever mon bras et je le lève, et décomposer cette élévation en quatre moments dont les deux premiers emportent négation de la liberté et les deux autres ne font qu’en rappeler l’hypothèse, ce n’est pas expliquer, définir, démontrer la chose en question, c’est enfariner vos lecteurs.

Quant au sentiment moral, à la joie qui suit les bonnes actions, au remords qui accompagne les mauvaises ; quant à toutes ces manifestations du moi collectif et individuel qui préjugent, dit-on, la liberté, je réponds une fois pour toutes : Oui, j’admets qu’elles la préjugent, mais je nie qu’elles la jugent ; elles sont si loin de la juger, que les plus grands moralistes, Descartes, Spinoza, Malebranche, y ont vu précisément un motif de plus de nier la liberté, la réduisant à un simple attrait, à un désir, qui nous rend heureux s’il est satisfait, malheureux s’il est empêché, et définissant en conséquence le libre arbitre par son usage, conformité de la volonté à l’ordre de Dieu.

Je ne dirai rien de M. Oudot, qui suit en tout M. Jules Simon, jusque dans la manière d’accorder la liberté humaine avec la prescience divine. Fureur de l’absolu !