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Spinoza, et je demande si la nécessité peut réagir contre elle-même, faire rebrousser le courant de son action, le détourner, le retenir, puis le précipiter de nouveau, comme on le dit de la volonté de l’homme ? Et je réponds que cela est impossible ; que pour faire changer la nécessité il faudrait une cause, c’est-à-dire une seconde nécessité, ce qui implique contradiction. De même qu’une cause supposée libre, du moment qu’elle est influencée, perd la plénitude de son franc arbitre ; de même une cause supposée nécessaire, si elle peut être influencée, perd la plénitude de sa nécessité : elle tombe, comme la première, dans la contingence.

Là donc est le vice irrémédiable du système de Spinoza. La nécessité toute seule est impuissante à expliquer le monde. Aussi vrai que le franc arbitre de Descartes est une pure conception logique, une hypothèse idéale, comme le point mathématique, qui n’a ni longueur, ni largeur, ni profondeur ; aussi certainement la nécessité pure de Spinoza est une chimère. Et à quiconque nie le franc arbitre, la première chose à répondre n’est point d’alléguer, comme faisait Descartes et comme font aujourd’hui les éclectiques, le sens intime, qui ne prouve rien ici ; c’est de nier la nécessité.

Maintenant écoutons Leibnitz.

De même que Spinoza était parti de la contradiction de Descartes, il part de la contradiction de Spinoza. Pour que le monde existe, et surtout pour que l’humanité se développe, il faut absolument admettre quelque part une force de réaction, en sens inverse de l’action divine. Le système de Spinoza la suppose invinciblement, et rien ne saurait racheter en lui ce manque de logique, pour ne pas dire de franchise.

Mais avec l’hypothèse préalable d’un Être unique, infini, absolu, tel que le Dieu de Descartes et de Spinoza,