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Spinoza, à l’exemple de Descartes, composa son Éthique tout exprès pour apprendre à l’homme à se conduire par la contemplation et la pratique des vérités éternelles, à s’affranchir, par ce moyen, de l’esclavage des passions, dans lequel le précipite incessamment sa condition imparfaite, et à s’élever à la perfection de son être, qui est l’union en Dieu, la béatitude, le salut, soit, comme disait Descartes, la liberté.

N’est-il pas étrange qu’après avoir expliqué l’univers, l’âme, les passions, le péché, la misère, par le développement de la nécessité divine, Spinoza nous invite à sortir de cette misère, à laver ce péché, à combattre ces passions, à remonter enfin le courant de la nécessité, comme si, contre la nécessité, nous pouvions quelque chose ! et cela au nom de cette même nécessité, comme si la nécessité pouvait se défaire !…

Il faut le voir pour le croire ; et comment les traducteurs et les critiques de Spinoza ne le voient-ils point ? L’Éthique, que tout le monde connaît comme une théorie de la nécessité en Dieu, est en même temps une théorie du franc arbitre de l’homme. Le mot n’y est pas, et il est juste de dire que l’auteur n’en croit rien ; mais depuis quand juge-t-on un philosophe exclusivement sur ses paroles ?

Spinoza explique à sa manière par quelle dégradation des rayons du divin soleil les êtres qu’il crée nécessairement deviennent de moins en moins parfaits, les âmes de plus en plus obscures, leurs idées de moins en moins adéquates, et les passions auxquelles elles sont en butte de plus en plus fumeuses. C’est toute une théorie métaphysique de la chute, qui ferait honneur à la gnose chrétienne. Cette première partie de son travail effectuée, il montre comment les mêmes âmes, en vertu de l’activité qui leur est propre, et qui dans son système ne peut être