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mûre, pour laquelle il suffit désormais de la lumière de l’histoire.

Il en est des idées comme des choses : elles ne se révèlent pas instantanément dans leur plénitude (ax. 6) ; comme des astres qui se lèvent dans le firmament de la pensée, elles ont leur période d’émergence ; qui sait si elles n’ont pas aussi leur couchant ?

Entre les religions, le christianisme est celle qui affirme le plus énergiquement la liberté : cela devait être. Sans parler de la grande question de l’esclavage qui donna le branle aux idées messianiques, c’est la liberté qui, selon la théologie chrétienne, est la cause du mal ; c’est par elle que le péché est rendu possible, l’intervention de Dieu et de la grâce nécessaire. Ainsi la liberté, bien ou mal connue, est le motif secret de l’établissement des cultes, de la constitution des sacerdoces et de la formation des Églises. Sans cette puissance de malheur, l’homme ayant conservé sa primitive innocence réaliserait sur la terre la vie des bienheureux, il n’aurait pas besoin d’expiation ni de discipline.

Malgré ce rôle immense que joue la liberté dans l’économie du christianisme, il ne faut pas croire qu’elle ait été pour les théologiens un principe intelligible, une chose définie, tombant sous l’appréciation du sens commun. Oh ! non : la liberté, comme la grâce, est pour le théologien un article de foi ; c’est le postulat nécessaire de la révélation, servant à rendre raison de la chute, et subsidiairement à motiver la rédemption et le gouvernement de l’Église, un mystère servant à expliquer d’autres mystères.

Ce mystère, la philosophie, plus entreprenante, s’est efforcée d’en donner l’interprétation. Mais, tandis que la théologie, donnant ses mystères pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire pour impénétrables, demeure ferme dans sa doctrine, la philosophie, en voulant définir la liberté, a