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fusion ; car elle ne résulte pas de la définition, impossible à donner, de faits variables et d’actes contradictoires, mais de la définition que la conscience fait d’elle-même, quand elle prend, si j’ose ainsi dire, sa propre mesure pour l’appliquer à autrui.

Qu’y a-t-il, s’il vous plaît, de mieux défini, de plus intelligible, de plus arrêté, de plus net, de moins susceptible d’équivoque, que l’égalité de respect ?

Autant le mathématicien est sûr de ne pas se tromper sur la notion d’égalité, si loin qu’il pousse ses démonstrations et ses calculs ; autant l’être moral est certain de ne pas s’égarer sur la notion du bien et du mal, puisque cette notion, qu’il en porte écrite en son âme, n’est autre que l’égalité même.

Comprenez-vous à présent ce que c’est que la conscience, et ce commandement absolu qu’elle se fait à elle-même de respecter les autres, comme elle veut qu’on la respecte ? Comprenez-vous pourquoi le principe de Justice doit être cherché exclusivement dans l’humanité, l’idée d’une révélation étant incompatible avec celle d’une Justice en progrès ?

De même que la lucidité est un besoin pour l’œil, la fidélité un besoin pour la mémoire, l’exactitude du jugement un besoin pour la raison, la science un besoin pour l’esprit, la beauté un besoin pour le cœur, la réciprocité un besoin pour l’amour, parce qu’il est de l’essence de tout organe et de toute faculté de trouver son bien-être dans la plénitude de sa fonction, son malheur dans l’amoindrissement ; de même l’égalité est un besoin pour la conscience : c’est son bonheur à elle, son droit, son devoir, sa nécessité, son obligation, tous ces mots sont synonymes. Hors de là elle souffre, se plaint ; elle vous assaillit de remords, elle vous tyrannise. Que puis-je vous dire de plus ?